Jouons la collectif

« ON A COMPRIS QUE TOUCH 2 SEE ÉTAIT RÉVOLUTIONNAIRE POUR L'UTILISATEUR »

« ON A COMPRIS QUE TOUCH 2 SEE ÉTAIT RÉVOLUTIONNAIRE POUR L'UTILISATEUR »

Jouons la collectif
Publié le 20/09 à 10:46 - LFP

Partager

Entretien avec Théo Debled, Chief Operating Officer et actionnaire de Touch 2 See.

Ligue de Football Professionnel : Pouvez-vous nous présenter rapidement le service Touch 2 See ? (Vision d’accessibilité universelle)

Théo Debled : C’est une solution qui permet de rendre les évènements sportifs accessibles au public malvoyant. On est parti d’un constat simple : aujourd’hui, les solutions présentes pour cette population au stade, malheureusement, ne répondent pas totalement à leurs besoins. En termes de disponibilité, c’est encore quelque chose de très rare. Peu de stades mettent en place de l’audiodescription. D’autres solutions existent, comme la radio sportive. Mais elle ne répond pas à leurs besoins en termes de latence ou de description, qui n’est pas adaptée au public malvoyant.

 

LFP : Comment est né Touch 2 See ?

T.D. :  Tout est parti d’une vidéo qu’on a vu sur YouTube, qui a fait plusieurs millions de vues, où l’on voit une personne non voyante dans un stade à Bogota en train de suivre un évènement sportif grâce à son ami, qui lui retransmet le mouvement du ballon et des joueurs par le toucher sur un morceau de carton. On s’est alors dit « ok, il y a un challenge, il y a quelque chose à développer ». Il fallait retransmettre un évènement sportif, dans la grande globalité, par le toucher, qui est le sens le plus important pour une personne déficiente visuelle. Leurs doigts, ce sont leurs yeux.

 

LFP : Pouvez-vous nous expliquer le fonctionnement plus détaillé de Touch 2 See ?

T.D. : On développe une tablette entièrement automatisée, qui apporte trois informations principales. D’abord, elle retranscrit le mouvement du ballon en temps réel sur un terrain miniature à travers notre tablette. Ensuite, la vibration va retransmettre l’intensité du jeu pour l’utilisateur. Cela varie en fonction du sport, mais pour le football, une vibration particulière correspond à une passe, un autre type de vibration correspond à un tir, un autre à une faute, un but, une sortie de jeu, et ainsi de suite. Enfin, il y a une audiodescription entièrement automatisée, très basique, où l’on apporte juste des informations très succinctes, comme deux voix différentes pour savoir quelle équipe a le ballon, le nom du porteur de balle en temps réel pour l’utilisateur... On lui permet, par des boutons, d’interagir avec la tablette en lui permettant de demander le temps de jeu, le score, en live, à n’importe quel moment d’un match. Notre objectif est de vraiment scalabiliser cette solution, de permettre vraiment à tous les clubs, que ce soit en France, en Europe ou même dans le monde, d’avoir ce produit.

 

LFP : La mise en place de cette solution était-elle évidente pour vous ?

T.D. :  Pas du tout, pour être tout à fait honnête, parce qu’aujourd’hui, on est trois co-fondateurs dans le projet et aucun de nous n’est déficient visuel, on ne vit pas le handicap d’une personne déficiente visuelle. Mais par contre, dès qu’on a rencontré le monde de la déficience visuelle en France, ce qu’on fait encore très régulièrement, on a compris que notre produit était révolutionnaire pour l’utilisateur. On apporte une nouvelle façon de vivre un évènement sportif et surtout, on apporte un autre sens pour l’utilisateur pour comprendre un évènement. Une personne déficiente visuelle, comme n’importe qui se rendant dans un stade, son but est de profiter de l’atmosphère et de l’ambiance. Notre objectif est simple : améliorer l’audiodescription grâce à notre travail, tout simplement parce qu’une personne qui audiodécrit est obligée de passer beaucoup de temps à parler des informations spatio-temporelles. Avec une solution comme la nôtre, l’audio descripteur pourrait vraiment se concentrer sur le plus important quand on parle d’audio, c’est-à-dire l’aspect technique du jeu.

 

LFP : Comment avez-vous eu accès à la data de joueurs ?

T.D. :  On a commencé notre partenariat avec la LFP en octobre 2022. Pour nous, tout est automatisé parce qu’on fonctionne avec la donnée sportive, qui est collectée dans l’ensemble des matchs de Ligue 1 Uber Eats et de Ligue 2 BKT. C’est la LFP qui est propriétaire de ce contrat avec Stats Perform, le fournisseur de données. On se relie au serveur de Stats Perform, on récupère les coordonnées X/Y des joueurs et du ballon, ainsi que d’autres datas un peu plus précises, et grâce à notre partenariat avec Orange, pour la 5G et la latence, on retransmet le mouvement du ballon et tout ce que j’ai pu vous expliquer en information, avec 0,4 seconde de latence. On rend alors l’évènement sportif accessible et surtout en live pour l’utilisateur.

 

LFP : avez-vous rencontré des difficultés à mettre en place votre projet ? ou à convaincre les clubs partenaires de vous installer chez eux ?

T.D. : Nous sommes sur une phase d’expérimentation et il n’y a eu aucune difficulté. La LFP nous a directement donné tous les accès possibles pour pouvoir travailler avec Stats Perform. Maintenant, notre objectif va être de discuter avec la LFP pour voir si on peut partir sur un réel partenariat, savoir si on va pouvoir continuer sur une période de commercialisation et non plus d’expérimentation. Avec les clubs, ça se passe super bien. On expérimente la solution et si les clubs sont satisfaits, ensuite on part sur quelque chose de contractualisé, mais les retours sont très bons et pour le moment, nous n’avons pas eu de blocage.

 

LFP : Les premiers essais ont-ils été concluants ?

T.D. :  On a pu mettre en place notre solution trois fois à l’Orange Vélodrome et une fois au Stadium de Toulouse. Nous étions récemment au match France-Grèce, au Stade de France, avec la FFF, pour expérimenter notre solution. On le fera très prochainement aussi à Geoffroy Guichard et au Groupama Stadium. On échange beaucoup avec l’OL, qui veut absolument tester notre solution dans un premier temps et voir ensuite pour l’implanter directement. Mais oui, les premiers résultats ont été très concluants. Ça fait depuis février qu’on a pu faire des expérimentations en stade avec nos prototypes fonctionnels. Maintenant, nous avons notre produit quasi final, développé par un grand centre de recherche en France (le Commissariat à l’énergie atomique et aux énergies alternatives). Et ce produit-là, il va encore être expérimenté. Les retours sont toujours très bons, après, l’objectif, c’est aussi de faire de plus en plus de tests pour avoir les retours utilisateurs et s’assurer qu’on répondra vraiment à leurs besoins. Mais on peut dire qu’aujourd’hui, ce qui fait vraiment la force de Touch2See, c’est qu’on a vraiment travaillé en open innovation depuis le début, que ce soit avec le monde de la déficience visuelle, de l’audiodescription ou encore du sport, pour s’assurer que notre solution soit la plus facilement duplicable en stade. Aujourd’hui, on sait qu’elle répond aux besoins de tout le monde, c’est pour ça qu’on est assez confiants.

 

LFP : Avez-vous l’ambition, à terme, de vous installer dans tous les stades de Ligue 1 Uber Eats et de Ligue 2 BKT ?

T.D. : C’est l’objectif, dans le meilleur des mondes. Ça dépasse le football, nous développons la solution pour le rugby et nous nous préparons à lancer Touch 2 See sur bien plus de sports à balle dans les prochains mois. Avec le football, ça fait quelque temps qu’on échange et on espère pouvoir maintenant commercialiser les choses prochainement. Notre objectif, c’est de s’assurer que le produit répond aux besoins de tout le monde. On espère lancer l’industrialisation et une grosse partie de la production en fin d’année pour qu’en début d’année 2024 ce soit potentiellement mis en place ensuite chez nos clients. Ensuite, le mieux serait que dès l’année 2024-2025, on puisse être au maximum sur tous les stades de Ligue 1 Uber Eats et de Ligue 2 BKT.

 

LFP : D’un point de vue plus global, quelles sont vos perspectives d’évolution dans le sport ?

T.D. : Notre ambition est d’être inclusif et accessible au maximum. Au début, on avait identifié tous les sports à balle, parce que vu qu’on fait vivre un mouvement d’un objet sur la tablette. Le sport à balle est le plus simple pour le faire, ça nous permet quand même de toucher beaucoup de sports. Là, on travaille aussi avec la FFR pour expérimenter la solution sur les matchs préparatoires de la Coupe du Monde 2023 (l’interview a été réalisée avant le coup d’envoi du Mondial de rugby en France, NDLR), et ensuite sur le Tournoi des Six Nations 2024 pour le mettre en place. Paris 2024, ce n’est pas une fin en soi, c’est bien évidemment un évènement incroyable pour nous en termes d’image et aussi de perspectives de développement technique. Ça nous force à travailler plutôt rapidement sur des sports où on aurait pu se dire « ok, on verra ça dans 2,3 ans ». Ensuite, on aspire à dupliquer la solution en France et en Europe. On a commencé à échanger un petit peu avec la Premier League et avec la Bundesliga. Il y a quelques semaines, j’étais à Madrid pour parler avec une grosse association de déficience visuelle en Espagne qui s’appelle la Once et qui a un lien avec la Liga. Nous voulons vraiment permettre au public malvoyant et non voyant au niveau mondial de vivre l’évènement sportif de manière totalement indépendante avec un produit où il n’y a pas d’activité humaine.