Jouons la collectif

« NOTRE ACCOMPAGNEMENT PERMET DE LEVER BEAUCOUP DE BARRIÈRES AU STADE »

« NOTRE ACCOMPAGNEMENT PERMET DE LEVER BEAUCOUP DE BARRIÈRES AU STADE »

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Publié le 20/09 à 10:45 - LFP

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Entretien avec Aurore Sohier, Présidente de l'association « Le Regard au Bout des Doigts ».


Ligue de Football Professionnel : Pouvez-vous nous présenter l’association « Le Regard au Bout des Doigts » ?

Aurore Sohier : C’est une association qui existe depuis 20 ans pour venir en aide aux personnes aveugles et malvoyantes. L’association propose un accompagnement quotidien via des activités sportives, de loisirs et culturelles. Elle participe également à la sensibilisation des jeunes et des entreprises au handicap et réalise des actions d’inclusion avec la municipalité pour l’accessibilité dans les transports ou de la voirie. Enfin, nous organisons des activités culturelles et sportives notamment via la mise en place de l’audiodescription dans la cathédrale de Reims, mais également lors des matchs de football.

 

LFP : Comment se déroule une semaine type au sein de l’association ?

A.S. : L’association dispose d’un local où des permanences sont organisées tous les mercredis. Les adhérents peuvent y venir se détendre, échanger avec d’autres personnes, faire des rencontres avec des personnes qui ont le même handicap ou non. Des activités sont également organisées toutes les semaines telles que l’origami, le Monopoly version braille ou encore la randonnée. Il existe un planning que les adhérents peuvent consulter pour s’inscrire aux activités qu’ils souhaitent.

 

LFP : Rencontrez-vous des difficultés dans la mise en place de vos accompagnements ?

A.S. : Oui, les transports par exemple ! Pour aller faire une balade dans la montagne de Reims qui est à quelques kilomètres, il y a peu de transports en commun, la difficulté est alors de trouver des bénévoles pour encadrer les activités. Idem pour aller au cinéma, il y a environ 45 minutes de bus et une fréquence de passage très faible. Cela démotive parfois les adhérents, alors pour y remédier, on essaye de faire du co-voiturage ou bien d’aller au restaurant après l’activité pour les motiver.

 

LFP : Combien de personnes accompagnez-vous au sein de l’association ?

A.S. : On accompagne 60 personnes de tout âge, notre adhérent le plus jeune à 14 ans par exemple, les profils sont très variés. La moyenne d’âge tourne autour de 50 ans car le plus souvent les problèmes de vue viennent avec l’âge. Mais nous avons aussi des personnes aveugles de naissance.

 

LFP : Comment avez-vous été amenés à proposer des activités sportives ?

A.S. :  Lorsqu’on a commencé à mettre en place les activités, on s’est rendu compte que les adhérents voulaient s’évader du quotidien et sortir de Reims, notamment en pratiquant la randonnée en forêt. Puis, à force de toujours pratiquer les mêmes activités, les adhérents ont eu envie de pratiquer d’autres sports, comme le tir à l’arc, l’escalade, le canoë, le showdown ou le torball. Pour remédier à cela, nous avons créé un club handisport (multi-support). Nous pratiquons tous les mois un sport différent. Nous avons une quinzaine de licenciés dans le club handisport depuis 2 ans, cela permet de découvrir une pratique. Ensuite, libre à eux par la suite de venir s’inscrire dans le club pour l’année.

 

LFP : Comment est née la collaboration avec le Stade de Reims ?

A.S. : En 2019, la ville de Reims a accueilli la Coupe du Monde féminine organisée par la FIFA, qui a mis en place un système d’audiodescription. Nous avons trouvé cela génial et nous avons décidé de poursuivre l’opération. Deux audios-descripteurs ont été formés par la FIFA et ont décidé de se lancer et d’audio décrire tous les matchs à domicile. Mon rôle a été de trouver des utilisateurs au sein de l’association et de faire de la médiation entre le club, la ville et les audio-descripteurs mais aussi négocier les tarifs afin de les harmoniser entre les différents types de handicaps. Il a aussi fallu fédérer les troupes dans le milieu associatif, réussir à les emmener au stade et leur faire comprendre que cela va au-delà du sport. Le rôle de l’association est très important car notre accompagnement permet de lever beaucoup de barrières au stade.

 

LFP : Pouvez-vous nous présenter l’audiodescription ?

A.S. : Deux personnes commentent en direct les actions qui se passent sur le terrain, divisé en 4 zones. Pour permettre aux utilisateurs de se repérer, nous avons créé un plan tactile qui permet de se repérer par rapport à son emplacement dans la tribune. Le commentateur va alors décrire de manière précise tout ce qui se passe sur le terrain.

 

LFP : Pouvez-vous nous en dire un peu plus sur ce plan tactile que vous proposez ?

A.S. : Oui, nous l’avons réalisé avec la maison d’édition « Mes Mains en Or », qui réalise des livres pour la jeunesse. Lors des matchs, nous avions besoin de nous repérer dans le stade grâce aux noms des tribunes, ce qui n’est pas toujours facile et pratique à retenir. Nous avons donc demandé à la maison d’édition de faire un plan tactile à l’aide des plans du stade. Le plan permet de repérer les tribunes, l’emplacement des audio-descripteurs et le terrain qui est réparti en quatre zones, chacune avec un revêtement tactile différent (points, ligne verticales, lignes horizontales…).

 

LFP : Quel est votre rôle dans ce dispositif ?

A.S. : Le rôle de l’association est très important car sans nous, une fois sur le parking, les utilisateurs ont du mal à passer la sécurité, récupérer les casques d’audiodescription, se rendre jusqu’à leurs places... Nous les accompagnons dans toutes ces étapes afin de les rassurer et faciliter leur parcours, nous achetons les places en avance et nous nous occupons de toute la logistique.

 

LFP : Comment se déroule le recrutement d’étudiants et bénévoles pour les matchs au stade Auguste-Delaune ?

A.S. : Au départ, c’est la ville de Reims qui a recruté des étudiants en formation STAPS et des animateurs radio, notamment chez France Bleu et Champagne FM. Ils ont suivi une formation par la FIFA à l’occasion de la Coupe du Monde. Nous avons également poursuivi le recrutement avec des étudiants en kiné. Nous avons parfois recruté des commentateurs ne connaissant pas le football, mais avec l’usage, nous avons constaté qu’il était nécessaire qu’ils aient des connaissances concernant le football, notamment connaître le nom des joueurs, les tactiques, le vocabulaire à employer… Lorsque ce n’est pas le cas, les utilisateurs sont mécontents. On préfère donc recruter des personnes qui connaissent un minimum le football.

 

LFP : Comment se déroule la formation des audio-descripteurs ?

A.S. : Ce sont les premiers audio-descripteurs qui ont été formés par la FIFA qui forment à leurs tours les nouveaux. La formation est plutôt en deux parties. Une partie concerne le handicap visuel et l’autre sur l’aspect plus technique lié aux commentaires. Cela dure deux ou trois jours, les participants ont également des entrainements à effectuer où ils s’enregistrent en commentant un extrait de match avant d’avoir les retours et conseils des formateurs.

 

LFP : Quels sont les résultats de votre collaboration avec le Stade de Reims ? En êtes-vous satisfaits ?

A.S. : Oui ! Nous sommes très satisfaits de l’audiodescription fournie. Concernant le recrutement, on remarque que les étudiants sont très mobiles et quittent souvent la ville, nous nous demandons alors s’il ne faudrait pas plutôt former des Rémois installés dans la ville. Il y a également toujours quelques aspects d’organisation qui peuvent être améliorés comme le fait pour les audio-descripteurs d’avoir des accréditations à l’année ou bien l’organisation en interne dans l’association. Nous aimerions aussi rendre autonomes les utilisateurs, ce qui implique une bonne collaboration avec les stadiers.

 

LFP : Avez-vous de nouveaux projets en tête avec le Stade de Reims ou des axes d’amélioration ?

A.S. : Oui, on aimerait organiser une action commune avec les joueurs comme aller voir un entraînement ouvert au public ou une séance de Cécifoot par exemple. Cela permettrait de créer du lien entre nos adhérents et le club, mais aussi de renforcer la fidélité.

 

LFP : Enfin, comment les lecteurs peuvent-ils bénéficier de ce service au stade de Reims ?

A.S. : Les lecteurs peuvent se rapprocher de notre association, nous nous occupons de l’achat des places, de la réservation et la gestion du matériel. Le jour du match, nous les accompagnons du point de rendez-vous jusqu’au match et nous nous occupons de toute la logistique.